Le Sénat s'oppose à la libéralisation du marché des pièces automobiles visibles

Communiqué de presse

Projet de loi d'orientation des mobilités

Alain Joyandet est particulièrement satisfait de l'opposition du Sénat
à la libéralisation du marché des pièces automobiles visibles


Depuis le mardi 19 mars, le Sénat examine en première lecture le projet de loi d'orientation des mobilités. Dans ce contexte, la Chambre haute a eu l'occasion de s'opposer à la libéralisation du marché des pièces détachées automobiles. Une satisfaction toute particulière pour Alain Joyandet, plus que jamais attaché à la défense du site PSA de Vesoul.

Plus précisément, les Sénateurs ont rejeté hier soir un amendement, déposé par neuf élus socialistes, qui avait pour objet de mettre fin à l'exclusivité dont bénéficie actuellement les constructeurs français concernant la distribution des pièces dites "visibles" (ailes, capots, pare-chocs, pare-brise, feux, rétroviseurs, etc.), en raison de leur protection au titre du droit des dessins et modèles ainsi que du droit d'auteur. En France, cette protection des pièces automobiles visibles intervient pour la "première monte", lors de l'assemblage initial des véhicules neufs, mais également pour toutes les "deuxièmes montes", lors des opérations de remplacement.

Philosophiquement et juridiquement, l'amendement rejeté par le Sénat se fondait sur l'avis n° 12-A-21 rendu le 8 octobre 2012 par l’Autorité de la concurrence. Selon cette autorité administrative indépendante, la protection relative aux pièces automobiles visibles doit être conservée uniquement pour les "premières montes". C'est pourquoi, elle propose de lever - de manière progressive et maîtrisée - la restriction pour les pièces de rechange destinées aux "deuxièmes montes", comme c'est déjà le cas - selon elle - dans onze pays européens, dont en Allemagne, ainsi qu'aux Etats-Unis d'Amérique. Pour l'Autorité de la concurrence, cette évolution du droit interne sur ce point permettrait également aux équipementiers français d’intégrer le marché européen de la fabrication et de la distribution des pièces visibles, avec de nouvelles opportunités de croissance, grâce à l’export, et de création d'emplois.

De façon plus conjoncturelle, les Sénateurs de gauche à l'origine de cet amendement s'appuyaient aussi sur une déclaration qu'a effectuée le Premier ministre lors du dixième anniversaire de la création de l’Autorité de la concurrence le 5 mars dernier à Paris. Ce jour-là, Edouard Philippe s'est engagé à libéraliser trois domaines de la vie quotidienne des Français, pour s’attaquer à certaines "dépenses contraintes" qui pèsent sur eux et résorber les "angles-morts" de leur pouvoir d'achat. Dans son discours, à côté du permis de conduire et des syndics d'immeuble, le Premier ministre a directement visé le secteur des pièces détachées automobiles et indiqué vouloir mettre un terme, à l'occasion de la discussion du projet de loi d'orientation des mobilités, à l'exclusivité dont bénéficient les constructeurs pour la vente des pièces détachées visibles. Selon lui, cette mesure aurait pour conséquences de faire baisser les prix des pièces de rechange visibles et d’accroître le pouvoir d’achat des consommateurs français.

Toutefois, la majorité au Sénat n'a pas été convaincue par cette argumentation et cette vision angélique d'une libéralisation à tous crins dans ce secteur d'activité, qui - pour le Sénateur de la Haute-Saône - "est fondamentale pour l'économie nationale, puisqu'aujourd'hui 70 % des pièces détachées automobiles des constructeurs français sont produites sur le territoire national, mais aussi local, si l'on prend - par exemple - le cas de l'usine PSA à Vesoul et ses milliers d'emplois directs ou indirects". De plus, pour Alain Joyandet et la plupart des élus du Palais du Luxembourg, cette ouverture à la concurrence, qui n'a d'ailleurs pas fait l'objet de la moindre concertation à l'heure actuelle avec la filière automobile, "risque de profiter - au-delà de la question du pouvoir d'achat des Français, même si cette question est naturellement légitime et importante - avant tout à des concurrents à l'autre bout du monde". D'ailleurs, l'exemple britannique le confirme, puisqu'il montre que le prix des pièces à la vente n'a guère baissé et que ce sont principalement les marges des réparateurs indépendants qui ont augmenté. Cela n'est sans doute pas un hasard, pour l'ancien maire de Vesoul, "si la grande majorité des pays européens appliquent une protection juridique similaire à celle de la France aux pièces automobiles visibles".

En réalité, selon l'estimation effectuée par le Sénat, l'économie annuelle serait seulement de 5 euros par Français, au détriment - qui plus est - de l'économie circulaire et de la filiale de recyclage automobile avec le recours - entre autres - aux pièces issues de véhicules hors d'usage. De plus, pour les services de la Commission l'aménagement du territoire et du développement durable de la Chambre haute, ce sont les assurances qui - très souvent - prennent en charge le coût du remplacement des pièces automobiles visibles, ce qui rend quasiment nul l'impact de leur prix sur le pouvoir d'achat des Français, d'autant qu'il ne peut y avoir aucune garantie que les primes diminueront en cas de libéralisation de ce marché.

En tout état de cause, pour Alain Joyandet, la seule question qui vaille est de savoir si "un gain de quelques euros de pouvoir d'achat pour chaque Français peut sérieusement justifier de prendre le risque de compromettre de façon irréversible l'équilibre, voire la force, de notre industrie automobile nationale et plus encore la destruction potentielle d'emplois dans notre pays ?". Par ailleurs, il tient à saluer le changement de position du Gouvernement sur ce sujet, qui a émis un avis "défavorable" lors de l'examen de cet amendement par l'intermédiaire de la ministre des Transports, Elisabeth Borne. "Finalement, pour le Sénateur de la Haute-Saône, la dernière visite ministérielle en Haute-Saône jeudi soir dernier n'aura peut-être pas été vaine", puisque c'est à cette occasion que Bruno Le Maire avait été saisi de ce sujet par Brice de Zutter, le Directeur du site PSA de Vesoul. Il ne reste donc plus que le Gouvernement transforme l'essai sur cette question et abandonne définitivement cette piste.